Anuloma Viloma


fragment peinture moghole , 1820, British Muséum
Anuloma Viloma appartient aux pratiques de Pranayama, la maîtrise du souffle grossier (respiration) et du souffle subtil (énergie).

A l'occasion d'une séance de Yoga, Anuloma Viloma vient harmonieusement s’insérer après Nadi Shodana (la purification des canaux) dont il constitue le prolongement naturel.

En effet, Anuloma Viloma, tout comme Nadi Shodana, comprend une respiration alternée (on respire tantôt par une narine, tantôt par l'autre). Mais on introduit ici deux modifications importantes. Tout d'abord, une rétention du souffle, les poumons pleins; prend place après l’inspiration. Par ailleurs, la durée de chaque phase (inspiration, expiration et rétention) se trouve individualisée.

Nadi Shodana requerrait de la vigilance parce qu’on risquait de laisser facilement l’esprit vagabonder, compte tenu du caractère linéaire de l’exercice. Anuloma Viloma exige de la concentration pour la raison inverse: il convient de respecter scrupuleusement la durée propre à chaque temps de la respiration.

1.    LA TECHNIQUE

1.1. Le positionnement du corps

Comme toute pratique énergétique, l’adoption d’une posture méditative est recommandée. On pourra ainsi choisir  Padmasana (le lotus), Siddhasana (la posture dite parfaite) ou Vajrasana (posture de la foudre). Bien sûr, en cas d’impossibilité, on recourra à Sukkasana (posture confortable, en tailleur); voire même, on pourra s’installer sur une chaise, à condition que la colonne soit parfaitement droite.

Le placement des mains est simple : la main gauche repose sur le genou gauche, tandis qu’on place l’index et le majeur de la main droite au milieu du front. On va ainsi utiliser le pouce et l’annulaire de celle-ci pour obturer les narines.

1.2. Le descriptif d’un cycle

Un cycle respiratoire dans Anuloma Viloma comprend six phases:

 . Fermer la narine droite avec le pouce et inspirer à gauche. L’inspiration est rapide.

 . Fermer aussi à la narine gauche, avec l’annulaire, et retenir le souffle, les poumons pleins. Les deux narines sont ainsi obturées.

 . Ouvrir la narine droite et expirer par la seule narine droite, lentement.

. Immédiatement après, inspirer rapidement à droite.

 . Fermer aussi la narine droite avec le pouce et retenir le souffle, les poumons pleins. Les deux narines sont obturées.

. Ouvrir à gauche et expirer par la seule narine gauche, lentement.

Dans Anuloma Viloma il n’y a donc aucune rétention de souffle poumons vides : dès que l'air a fini d’être expulsé, on inspire aussitôt. On doit tout particulièrement veiller à ce que l’expiration soit complète : il ne doit rester aucun air résiduel dans les poumons en fin d’expiration.

1.3. La durée de chaque phase

Dans Anuloma Viloma; l’expiration dure deux fois plus longtemps que l’inspiration. Et, la rétention du souffle dure, elle-même, deux fois plus longtemps que l’expiration.

Le rythme recommandé pour un cycle complet est donc le suivant: inspiration 2 temps – rétention à plein 8 temps - expiration 4 temps  - rétention à vide 0 temps.

Ce rythme doit être constamment respecté durant tout le temps de l’exercice. Et cela suffit à occuper pleinement notre esprit ! On constate facilement qu’à la moindre distraction, on s’écarte instantanément de ce tempo.

Selon les capacités respiratoires de chaque personne l’unité de temps variera. Ainsi, pour telle personne « un temps » équivaudra à une demi-seconde ; pour une autre personne cela représentera une seconde ; enfin, pour une troisième personne ce sera deux secondes. Toutefois, on ne doit jamais rechercher la performance car ce serait la manifestation d’une perturbation mentale : la durée retenue doit être naturelle et correspondre à chacun.

On constatera qu’avec l’entrainement cette durée évolue progressivement pour chacun d’entre nous. Ce changement résulte de la modification de notre capacité respiratoire (le volume d’air pouvant être inspiré). En effet, dans notre vie quotidienne, stressée, sédentaire, nous ne mobilisons qu’une petite partie de nos poumons. Par conséquent, un grand nombre d’alvéoles pulmonaires ne se trouvent pas sollicitées. Elles végètent et ont ainsi tendance à s’atrophier. Par la pratique du Yoga, et notamment des exercices de Pranayama, nous sommes incités à mobiliser pleinement nos poumons, ce qui accroit considérablement notre capacité respiratoire.

Par conséquent, une personne débutante qui pratique Anuloma Viloma, adoptera pour commencer une unité de temps équivalent à une demi-seconde, puis passera au bout de quelques jours à une seconde, puis peut être à deux secondes.

Une précision essentielle doit être apportée : Jalandhara bandha (le verrou placé au niveau de la gorge) doit être impérativement installé dès lors que la rétention du souffle, les poumons pleins, excède plus de 10 secondes.

Comme le temps d’inspiration est relativement court au regard de la durée de l’expiration et de la rétention de souffle, l’air pénètre alors avec une grande rapidité. Comme ce débit est intense, le passage de l’air crée une sensation de léger frottement à l’intérieur des fosses nasales. Cette sensation ne doit pas être évitée, bien au contraire ! Elle est l’indication d’une pratique correcte. L’absorption de l’énergie au niveau des fosses nasales se trouve alors accrue.

On constate, par ailleurs, que l’une de nos narines est plus puissante que l’autre et que l’air entre par conséquent beaucoup plus facilement. On ne doit pas en être troublé, ceci est naturel et vaut pour chaque personne. Le débit de l’air qui passe à l’inspiration par la narine « plus faible » se trouve ainsi accentué, ce qui, rappelons-le, est une condition pour que l’absorption de l’énergie soit démultipliée.

Les exercices de Yoga ne constituent pas de simples exercices techniques, mais impliquent l’ensemble de la personne. Par conséquent l’installation d’une attitude mentale juste est nécessaire.

2.    L’ATTITUDE MENTALE

L’attitude mentale du pratiquant comporte un double aspect : la concentration et la motivation.

2.1. La concentration

Nous avons déjà parlé en préambule de la nécessité de développer une attention soutenue afin de pouvoir réaliser la pratique d’un point de vue technique. En effet, il nous faut compter mentalement les temps correspondant à chaque phase : deux temps à l’inspiration, huit temps lors de la rétention du souffle et quatre temps lors de l’expiration. Notre pente naturelle, hélas !, sera de tout niveler. Si on n’y prend garde, on ramènera ainsi insensiblement toutes les phases à quatre temps, ce qui ruine tous les bienfaits de cette pratique.

Il faut donc une attention soutenue pour maintenir exactement la durée des différentes phases.

Mais ce n’est pas tout : il faut aussi compter le nombre de cycles que l’on accomplit et savoir, à tout moment, où l’on en est : troisième, cinquième ou neuvième cycle ? Heu !!!! Pour ne pas se perdre on va donc s’aider en comptant le nombre de cycles accomplis sur nos doigts de la main gauche qui est inactive. De cette façon on parviendra sans aucune difficulté à réaliser les différents comptages requis par l’exercice.

Pour qu’Anuloma Viloma dispense pleinement ses bienfaits il faut encore que la réalisation technique soit soutenue par une motivation correcte.

2.2. La motivation juste

Selon les capacités des personnes deux formes d’aspiration pourront être générées pour fertiliser la pratique.

Le premier état mental consiste à imaginer qu’à l’inspiration on prend tout ce qui est nécessaire à l’obtention de notre bonheur et de notre plein état de santé ; et à l’expiration, on imagine qu’on évacue tous les problèmes, toutes les difficultés physiques ou mentales qui nous assaillent : maladie, anxiété, stress, irritabilité. C’est le niveau élémentaire, immédiatement accessible.

Les personnes plus avancées dans la pratique du Yoga, celles qui ont intégré la notion de karma et donc compris que tout ce dont nous faisons l’expérience découle de nos actes antérieurs, ces personnes-là pourront générer un état mental plus vaste. Lors de l’inspiration on puise toutes les causes de bonheur et de santé : l’amour authentique, l’altruisme, la générosité, l’éthique ; et lors de l’expiration on se libère de toutes les causes de difficultés, à savoir les poisons de l’esprit qui nous amènent à accomplir des actes négatifs : la haine, le désir de vengeance, l’attachement, la jalousie, l’orgueil,…

Si l’on est lucide et si l’on gratte bien, on trouve toujours quelque chose à purifier, à nettoyer ! Et de cette façon on progresse. Beaucoup de personnes stagnent dans la pratique du Yoga parce qu’elles se cantonnent à une approche purement physique et n’’approfondissent pas la dimension intérieure, pourtant essentielle. C’est regrettable car cette dimension de la pratique pourra être approfondie tout au long de notre existence, tandis que les capacités physiques de notre corps déclineront. Ainsi, même à un âge très avancé, on pourra continuer à progresser, à se sentir avancer sur son chemin de vie.

Après avoir détaillé les aspects techniques et mentaux qui permettent d’accomplir correctement la pratique, on peut préciser comment intégrer Anuloma Viloma dans une pratique journalière.

3.    La pratique journalière

Vous pouvez mettre en œuvre Anuloma Viloma dès lors que vous parvenez à maitriser la respiration complète (en trois parties) et que vous ressentez les bienfaits de Nadi Shodana (purification des souffles).

Une personne qui découvre Anuloma Viloma commencera à se familiariser avec cette technique de Pranayama en accomplissant quelques cycles (environ 5). Puis elle marquera une petite pause et pourra recommencer une nouvelle série.

Une fois ce stade dépassé, une excellente pratique journalière consisterait à effectuer 10 cycles le matin et 10 cycles le soir. Bien sûr, chacun fera selon ses possibilités.

Il sera même possible, pour les pratiquants les plus motivés, d’accomplir une série de 40 cycles d’affilée. Mais cela ne doit se faire que progressivement, au fil des semaines, et à condition de se sentir de mieux en mieux.

4.    Les bienfaits

Les bienfaits reconnus d’Anuloma Viloma sont nombreux. Cette pratique de Pranayama permet de façon générale de mettre à distance les maladies. Elle améliore le fonctionnement du système digestif. Elle assure la purification des canaux énergétiques et permet d’  « emmagasiner » une grande quantité d’énergie, ce qui soutient et stimule les différentes fonctions vitales du corps. Elle permet aussi de développer la capacité respiratoire et atténue considérablement les problèmes d’asthme.

CONCLUSION

Anuloma Viloma est une technique classique de Pranayama connue depuis de nombreux siècles et accessible à tous.

Intégrée à votre séance quotidienne, cette technique prendra harmonieusement place en début de séance après la mise en œuvre de Nadi Shodana et peut être avant d’autres pratiques plus élaborées, telles Samavritti Pranayama. Mais il n’est pas indispensable d’ «accumuler » les techniques. Tout désir de performance doit être évacué de votre esprit et seule l’aspiration à aller de mieux en mieux, pour vous aider vous-même et aider autrui, doit vous servir de guide.

Christian Ledain