Viparita Karani

Viparita karani - posture complète




Quand on regarde la posture on pourrait être tenté de se dire avec découragement : «en voilà une qui n’est pas pour moi ! » Comme toute posture inversée, cette attitude ne nous paraît pas naturelle, et ne semble pouvoir être adoptée qu’au prix d’une acrobatie.

Mais il ne faudrait pas s’attacher à cette variante particulièrement avancée de Viparita Karani. Il en existe d’autres, accessibles aux possibilités de chacun. Dès lors que certains principes fondamentaux sont compris et mis en œuvre, l’une ou l’autre de ces variantes pourra sans doute être mise en œuvre sans difficulté particulière.

Compte tenu des bienfaits extrêmement nombreux et puissants de Viparita Karani que nous détaillerons, il serait regrettable de se dispenser de mettre en œuvre une telle posture.
 
1. Signification de la posture

Viparita karani signifie, en sanskrit, « réalisation » (karani) du « renversement » (Viparita). Ainsi, Viparita karani constitue simplement le nom générique qui désigne toute posture inversée, c’est-à-dire une attitude corporelle dans laquelle les jambes se trouvent dirigées vers le haut et la tête vers le bas. Entrent ainsi dans cette catégorie de nombreuses postures classiques du Hatha Yoga telles que Sarvangasana (posture de tous les membres levés), Kapalasana (posture sur la tête), Sirshasana (posture sur la tête), ou encore Halasana (charrue).

Mais, parmi toutes ces postures inversées, Viparita karani désigne aussi une posture spécifique qui se différencie très clairement des autres. Il importe particulièrement de la distinguer de Sarvangasana. En effet, ces deux postures sont parfois fusionnées à tort dans une attitude bâtarde qui ne procure les bienfaits ni de l’une ni de l’autre.

2. Entrer dans la posture

Tout le secret de Viparita karani tient dans le placement correct des coudes. Si on est pressé de monter le corps et de dresser les jambes, il nous arrivera la même mésaventure qu’à un entrepreneur de travaux publics pressé d’élever les étages d’un bâtiment pour lequel il n’aurait pas posé de solides  fondations: l’édifice va tenir quelques instants de façon biscornue avant de s’effondrer irrémédiablement !
A gauche, les murs verticaux assurent la stabilité de l'édifice. A droite, l'absence de verticalité des murs conduit  à l'écroulement de la construction. Par analogie, l'écartement excessif des coudes et le rapprochement des mains empêchent de soutenir le bassin
A Pour procéder de façon sécurisée, il convient de s’installer tout d’abord en position allongée sur le dos (Shavasana). Les bras reposent le long du corps. Puis, en prenant un appui très ferme sur les bras, on plie les genoux et on soulève le bassin du sol. Quand le bassin se trouve ainsi élevé, on garde les bras tendus, allongés au sol et on rapproche les deux coudes l’un de l’autre au maximum. On plie ensuite les coudes et on place les mains au niveau du bassin. On veille à écarter les mains l’une de l’autre le plus possible. Ainsi, elles  ne se trouvent pas placées contre le dos, mais empoignent vigoureusement les crêtes de l’os iliaque (le bassin) à droite et à gauche. La combinaison de ce placement correct des coudes et des mains permet aux avant-bras d’être verticaux, non seulement de face, mais aussi profil. Ceci crée les conditions matérielles de la stabilité.
les avant-bras doivent être verticaux de profil , comme de face 
Il n’y a alors plus qu’à déplier les jambes et à les tendre. Les jambes sont allongées devant soi. Elles se placent dans le prolongement du tronc comme le montre le dessin de la posture complète ci-dessous.
 
3. Un aménagement de la posture parfois nécessaire
S’installer dans une posture ne constitue pas une fin en soi car une attitude corporelle reprsénte essentiellement un support matériel dans lequel le pratiquant du Yoga va réguler son souffle et stabiliser son esprit. Il est donc essentiel de ne pas s’attacher trop à une forme, une apparence particulière.
Dès lors que les principes de base de la posture sont respectés, il est possible de l’actualiser, de l’aménager en fonction de nos possibilités du moment.
Il est très important de ne pas se décourager et de garder l’esprit ouvert car ce qui n’est pas réalisable à un instant donné peut le devenir ultérieurement, les choses se dénouant au fil des semaines et des mois.
Tout d’abord, il convient d'accepter tranquillement notre corps tel qu’il est. Notre corps est un outil merveilleux qui nous permet d’agir et de penser. Il est donc nécessaire de le respecter et de l’aimer avec ses caractéristiques du moment.  Le dieu hindou Vishnu a pour véhicule l' aigle Garuda, et Shiva, un rat. Donc, soyons content de l’excellent support physique dont nous disposons actuellement, même si ce n’est pas l'enveloppe matérielle d’un mannequin - retouché d'ailleurs par Photoshop !
 Si les jambes ne peuvent pas être allongées complètement devant soi, il est, tout d'abord, possible de fléchir un genou  afin d’amener le tibia à l’horizontale. Ceci allège considérablement le poids qui pèse sur les coudes.
Posture complète avec un genou fléchi

Si cela n'est pas suffisant, si les bras sont un peu faibles et le bassin lourd, il sera possible d’amener les deux jambes à la verticale au-dessus du sommet de la tête, comme ci-dessous.
Aménagement possible en plaçant les jambes à la verticale

On évitera autant que possible de « casser » le corps en deux en amenant les deux jambes derrière la tête. Dans une telle attitude, il n’y aurait aucun appui sur les coudes, ce qui montre bien que les jambes ne sauraient être placées ainsi.

4. Les erreurs à ne pas commettre 
S'il est difficile de soulever le bassin au moment de la mise en place de la posture, on pourra utilement faire quelques mouvements de "rocking chair" en se balançant d'avant en arrière. Par ailleurs, l'adoption régulière de Pavana Muktasana (cf. notre article sur cette posture) fortifiera rapidement les muscles abdominaux dont la sollicitation est nécessaire pour assurer l'élévation du bassin.
On veillera ensuite à ne pas redresser trop le dos, qui doit demeurer légèrement incliné car, sans cela, on ne parvient pas à empoigner l’os iliaque .
On ne rapprochera pas les mains de la colonne vertébrale, sinon les avant-bras ne pourront devenir verticaux. 
Si les coudes ne sont pas suffisamment rapprochés, il n’est alors pas possible de soutenir le poids du bassin avec les mains.  Alors, pour éviter que le corps ne s'effondre, on se met involontairement à « truquer » la posture en tendant les jambes en arrière de la tête. Cela permet effectivement de faire contrepoids au bassin. Mais cette stabilisation forcée n'est acquise qu'au prix d'un grand inconfort : en "cassant" le corps, la respiration abdominale se trouve bloquée et le dos malmené.
Eviter de "casser" le corps
Bien sûr, une personne débutante pourra adopter cette attitude un peu faussée, le temps de se familiariser avec la posture  inversée. Mais, elle veillera, au fil des séances, à placer correctement les coudes pour pouvoir se sentir bien dans la posture et en recueillir pleinement les bienfaits.

Si les bras sont un peu faibles, on pourra aisément les fortifier en pratiquant Suryanamaskar (voir notre article sur la Salutation au soleil).
 

5. Les bienfaits de la posture


Comprendre et connaitre les bienfaits d’une posture est important parce que cela soutient fortement la motivation. Avoir une conscience précise et détaillée des effets positifs de Viparita Karani va nous soutenir intérieurement, tout spécialement si cette posture ne nous apparait pas facile à adopter. Bien sûr, lors de la mise en œuvre de la posture on cessera de se remémorer ces bienfaits afin d’être dans une attitude intérieure d’écoute de soi, d’ouverture et de réceptivité car ce qui importe c’est de vivre pleinement la posture, d’en ressentir pleinement les bienfaits dans l’instant.  

Comme l’indique la signification du nom de cette posture, les effets positifs de Viparita Karani découlent, de façon naturelle, de l’inversion de la force de gravité qui s’exerce sur notre corps.
Les bienfaits de la posture découlent, de façon logique, de l’inversion de la force de gravité qui s’exerce sur notre corps.
Les effets de cette posture sont particulièrement puissants compte tenu de la composition de notre corps. Si celui-ci nous apparait matériel, il est pourtant composé principalement d’eau. Cette proportion est de 80 % chez le jeune enfant, 60 % chez l’homme adulte et 50 % chez la femme.
Cette eau est tout particulièrement présente dans ce que Claude Bernard a appelé le "milieu intérieur", c’est-à-dire les liquides dans lesquels baignent les cellules d’un organisme vivant. Ces liquides sont le sang et la lymphe. Leur volume est considérable puisque on trouve près de 2 litres de lymphe dans notre corps pour 5 litres de sang. Le rôle du liquide interstitiel (lymphe interstitielle) doit être notamment souligné puisqu'il permet que les échanges nécessaires à la vie puissent s’accomplir efficacement.
L’inversion du corps dans Viparita karani va modifier puissamment sur la circulation de ces liquides à l’intérieur de notre organisme. Bien sûr, l’être humain n’est pas conçu pour passer sa vie la tête en bas, comme une chauve-souris, et il ne faudrait pas demeurer des heures dans cette posture, mais il est indiscutable que l’adoption régulière de cette attitude, pendant quelques instants, procure une régulation de plusieurs  fonctions essentielles à l’intérieur de notre corps.
Le système digestif est, tout d'abord, vivifié de façon très puissante grâce à une double action. Tout d’abord, l'ensemble des viscères abdominaux, qui se trouvent comprimés en position debout, se voient soulagés grâce à l’inversion du corps. Par ailleurs, le déploiement de la respiration abdominale, seule possible en position inversée, suscite un massage à la fois doux et profond du plexus solaire. Dans la mesure où ce réseau nerveux, situé entre le nombril et le sternum, innerve les viscères du haut de l’abdomen (estomac, foie, rate), leur fonctionnement s’en trouve grandement favorisé.
lPar ailleurs, la circulation lymphatique se trouve régulée. L’apport en oxygène et en nutriments aux cellules du corps se trouve favorisé. Inversement, l’évacuation du gaz carbonique et des déchets cellulaires se trouve facilité.
Comme nous l'avons précisé, la circulation des fluides corporels est facilitée dans cette posture. Viparita Karani favorise donc grandement le retour du sang veineux. Elle procure donc un grand soulagement aux personnes dont l’activité professionnelle les oblige à beaucoup piétiner (vendeuses en boutique, coiffeuses, agents de surveillance…). Cette posture est aussi particulièrement recommandée aux personnes sujettes aux varices ou aux hémorroïdes.
L’inversion permet aussi une meilleure irrigation sanguine de la tête, puisque, en posture inversée, le sang n’a plus à lutter contre la pesanteur pour parvenir au visage. Les échanges cellulaires se trouvent ainsi particulièrement facilités dans la partie supérieure du corps. La régénération des cellules du visage et des neurones est ainsi favorisée. Par ailleurs, les fonctions cérébrales sont stimulées, tant en ce qui concerne la compréhension et la réflexion que la mémorisation.Il est aussi reconnu à la posture le pouvoir de favoriser la repousse des cheveux ou d’en freiner considérablement la chute.
La posture inversée favorise la mise en place de la respiration abdominale. Seule celle-ci est, en effet, réalisable puisque le soulèvement des clavicules est impossible et l’expansion de la cage thoracique gênée. Cette posture est donc recommandée aux personnes qui ne « savent pas respirer par le ventre » parce que leur diaphragme est bloqué. Ceci aidera considérablement les personnes nerveuses, mais aussi les personnes asthmatiques qui ont tendance à respirer uniquement par le haut du buste.
Le fonctionnement de la glande tyroïde est favorisé. Sa compression est moins accentuée que dans Sarvangasana , ce qui contribue à un plus grand confort, donc à un maintien plus long dans la posture.
Enfin, la posture renforce la puissance des membres supérieurs : bras, avant-bras, épaules et mains.


6. Une posture très largement accessible

Viparita Karani ne comprend pas de contre-indication particulière, ce qui la rend accessible à un très grand nombre de personnes.
En particulier, dans la mesure où il n’y a pas d’appui sur la région cervicale, cette posture est réalisable par les personnes souffrant de cervicalgie ou d’arthrose cervicale. Par ailleurs, l'étirement modéré de la musculature dorsale procure une grande sensation de confort et assure une grande stabilité.
Compte tenu de ces éléments Viparita Karani trouve naturellement sa place, dans l'enchainement des postures, avant Sarvangasana, qu'elle prépare. Bien sûr, les personnes pour lesquelles Sarvangasana ( voir notre article sur cette posture) s'avère  difficile à adopter pourront demeurer d'autant plus longtemps dans Viparita Karani
Cette posture pourra avec grand profit être conservée une, puis deux minutes, à mesure que les principes fondamentaux de la posture seront intégrés et que la force des bras se sera développée.  

Conclusion

Viparita Karani constitue l' une des grandes postures emblématiques du Yoga. Elle est très simple à mettre en œuvre à condition de ne pas la fausser par un placement incorrect des coudes et un déploiement précipité des jambes. Moins acrobatique que Sarvangasana, elle est, en outre, plus douce à conserver.
 Viparita Karani pourra ainsi s'intégrer facilement à votre pratique quotidienne et vous accompagnera tout au long de votre vie dont elle concourra à prolonger grandement la durée.



Christian Ledain, le 20 mars 2014
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pour m'écrire : christianledain@wanadoo.fr
On pourra se référer à nos trois articles figurant déjà sur ce blog : Sarvangasana (posture de tous les membres levés), Suryanamaskar ( La Salutataion au soleil) et Pavana Muktasana