Réduire les émotions négatives – développer les émotions positives


Quand on commence la pratique du Yoga on met en œuvre un certain nombre d’exercices physiques, on fait bouger son corps, on découvre la respiration correcte. On installe aussi une hygiène de vie en prêtant attention à ce que l’on mange, en restreignant sa consommation de cigarettes et d’alcool. De façon générale, on prend ainsi mieux soin de son corps. Et on constate effectivement une amélioration de notre état de santé, on dort mieux, on diminue son niveau de stress. Tout cela est excellent et correspond au premier niveau de la pratique.

Mais on découvre que tous nos problèmes ne sont pas réglés pour autant. Grâce à l’écoute de soi qu’on a développée, on perçoit mieux les difficultés qui assaillent parfois notre esprit : tensions mentales, stress, abattement, mal-être, agitation ou encore irritabilité. On prend ainsi conscience que notre esprit est la proie d’émotions puissantes, incontrôlées qui s’emparent de nous et nous poussent à générer des pensées déplaisantes, à proférer des paroles inadaptées, à agir de façon nuisible pour soi et autrui. La plupart du temps notre malaise est diffus, imprécis : on ne se sent pas très bien, sans trop savoir pourquoi, ni surtout comment en sortir.

Se pourrait-il que le Yoga puisse nous aider ? En tout cas, il le prétend puisqu’il affirme pouvoir nous libérer de toutes nos difficultés[1]. Le Yoga énonce même que lorsque l’esprit se trouve totalement purifié de ses poisons, la personne se trouve alors totalement délivrée et n’est plus soumise au cycle des renaissances.  

Pour le moment, nous n’en sommes certes pas là ! Mais, si nous parvenions déjà à diminuer nos problèmes intérieurs, nous pourrions considérer que nous avons considérablement progressé dans la voie du Yoga.

1.       Reconnaitre notre part de responsabilité dans nos difficultés

Nous aimerions croire que nos problèmes viennent de l’extérieur, et plus particulièrement des autres. Nous sommes tentés de nous dire : « Ah, je serais tellement heureux si ….je n’avais pas tel collègue de travail ronchon…, tel conjoint si peu compréhensif…, tel employeur si exigeant,… tel voisin si bruyant et mal embouché…. » Nous cherchons à imputer à autrui la responsabilité de nos difficultés. Ce faisant, nous nous déresponsabilisons, transférons le pouvoir à autrui et nous ôtons, par là-même, la possibilité d’améliorer les choses.

Un autre extrême consisterait à croire que nous sommes responsables de tout ce qui ne va pas sur terre, que tout est de notre faute, nous attribuant ainsi un pouvoir démiurgique.

Le Yoga nous apprend que nous ne pouvons pas toujours changer ce qui se passe autour de nous. Par contre, notre réaction face à ces évènements nous appartient en propre[2]. Aussi, la modification de notre esprit constitue le levier qui va nous permettre d’agir et de dénouer les conflits.

La régulation de notre activité mentale constitue le champ propre de la méditation. Et ce travail sur l’esprit constitue le deuxième niveau de la pratique.

Le Yoga propose ainsi de développer la stabilité intérieure et la concentration au moyen de la méditation dite « du calme mental » (Shamata, en sanskrit [3]). Il nous enseigne aussi à mettre à distance les émotions négatives et à générer les émotions positives, ce que l’on appelle intégrer les émotions dans la pratique du Yoga.

2.       Connaitre nos véritables ennemis pour les combattre

Nos émotions négatives constituent nos pires ennemis. L’être le plus maléfique ne pourrait, au pire, que nous ôter cette vie-ci. Les Yogis, qui croient en la réincarnation, considèrent que non seulement les émotions négatives vont nous empoisonner cette existence-ci, mais, étant la cause d’actes négatifs, vont compromettre pour longtemps nos renaissances futures.

Si nous doutons de la réincarnation, au moins, sommes-nous convaincus de l’existence du présent, et pouvons-nous décider d’extirper ces poisons qui compromettent si funestement notre bonheur actuel et celui des autres.

Le mécanisme qui relie les émotions négatives et la souffrance est très simple : quand nous générons une émotion négative dans notre esprit, celui-ci prend soudain une nouvelle orientation. Nous sommes alors tout près d’accomplir des actes négatifs, ceux du corps, de la parole et de l’esprit. Ces actions, une fois accomplies, laissent une trace, une empreinte, dans notre esprit. Et nous subirons immanquablement la rétribution de ces actes négatifs sous forme de souffrance, malaise, frustration, douleur, maladie physique ou mentale. Par contre, si nous nous abstenons de générer ces émotions négatives et que, mieux encore, nous produisons des émotions positives dans notre esprit, nous en recueillerons inévitablement des conséquences favorables : sensation de soulagement, de contentement, d’épanouissement, de plénitude, de joie, de sérénité, de bonheur. Ce processus appelé loi du Karma (voir notre article sur ce thème), se produit inévitablement, et la seule chose que nous ignorons est le moment précis où, l’acte étant parvenu à maturité, engendrera ses effets.

Quels sont donc ces ennemis intimes qui imprègnent notre esprit ? Ils nous sont tellement proches, tellement intimes et familiers, que nous ne parvenons pas toujours spontanément à les identifier.

Il s’agit de la haine, la colère ruminée, la jalousie, l’orgueil, l’attachement, l’avarice, l’ignorance. Ces travers sont dénoncés par maintes traditions, mais la pensée indienne attire notre attention sur eux de façon tout à fait particulière : il ne s’agit pas de nous interdire quoi que ce soit, mais seulement de nous informer avec bienveillance : « Si vous faites ceci, alors telle conséquence en résultera nécessairement. Maintenant, à vous de choisir ! »

Cette approche fondée sur le recours à l’intelligence et sur la reconnaissance de notre liberté, peut ne pas convenir à tout le monde car elle nécessite une certaine maturité psychologique. Des personnes ayant du mal à se contrôler compteront plutôt sur une autorité extérieure pour leur mettre des limites, tout comme on dira simplement à un enfant en bas âge: « Ne touche pas au verre qui est sur la table ! » parce qu’il n’est pas en mesure de se refreiner si on lui explique : « Si tu prends ce verre et le lâche, il tombera, se brisera et tu te blesseras le pied en marchant dessus ! »

Prendre conscience des émotions négatives, de leur influence néfaste sur notre comportement, ne nous fait pas plaisir car cela heurte l’idée que l’on se fait de soi. Et l’on aimerait vouloir faire le tri parmi elles et se dire : « Bon, celle-ci, je veux bien la reconnaitre, à la rigueur ! Mais celle-là m’est totalement étrangère ! » En réalité, chacune d’entre elles nous concerne individuellement, personnellement. Sans cela, nous ne pourrions pas comprendre un seul roman, un seul film, une seule conversation ordinaire. On ne pourrait simplement pas nouer de relations humaines, et nous ne comprendrions rien à la marche du monde. Nous serions comme des Marsiens qui scruteraient la Terre en se demandant: « Mais, bon sang ! que peuvent-ils bien fabriquer ?! » Ignorer l’une de ces émotions négatives, feindre de n’être pas concerné par elle, serait une façon adroite de ne pas vouloir s’en libérer vraiment et de la garder secrètement enfouie en soi.

Chaque émotion négative nous concerne à des degrés divers, et nous atteint dans des circonstances bien particulières. Ainsi, tel homme n’ira pas jusqu’à étrangler sa femme, contrairement à Othello, mais se renfrognera tout de même si un voisin fait la bise à sa conjointe, trouvant sa propre réaction tout à fait « normale ». Par contre, le même homme jugera « grotesque » que tel écrivain puisse jalouser tel autre qui vient d’obtenir le prix Nobel de littérature, simplement parce que les livres le touchent assez peu. Chaque émotion négative semble en fait nous attraper de façon personnelle par le pan de notre habit et si nous nous amusons des circonstances qui déclenchent la jalousie dans l’esprit de notre voisin, il rirait bien de connaitre celles pour lesquelles la notre éclate!

3.       Générer volontairement une émotion négative, c’est déjà méditer

Habituellement, nous ne faisons pas grand effort pour générer une émotion négative : elle se présente à nous, déboule sans crier gare, bouleverse notre corps et notre esprit, provoquant rougeur, transpiration, accélération cardiaque... Rarement nous nous disons : « Tiens, unetelle porte un merveilleux bijou ce matin : je décide donc de générer de la jalousie sur le champ ! ».

Pourtant, ce n’est pas que mon esprit soit extérieur à l’irruption de cette émotion, loin de là. En fait, cela fait tellement de mois, et même d’années, que je laisse le champ libre à ce poison, qu’il se fraye maintenant un chemin dans mon esprit avec une facilité, une aisance déconcertante.

Si j’ai le courage, l’honnêteté de reconnaitre comment les choses prennent naissance dans mon esprit, sous l’effet de l’habitude, cette « seconde nature », je suis tout près de me libérer de l’emprise de ces émotions négatives.

Voilà le chemin que propose la méditation et il n’est pas de plus belle et de plus riche aventure que je puisse mener.

Commençons par générer une émotion négative dans notre esprit car c’est la première étape pour parvenir à le maitriser et à le transformer. Je peux choisir l’une de celles que nous avons citées. Prenons la jalousie, à titre d’exemple. Je sais de quoi il retourne, je connais bien cette émotion. Mais il ne s’agit pas ici de réfléchir à la jalousie, de penser à elle, de l’envisager abstraitement : il importe de la ressentir véritablement, de la faire passer de mon esprit à mon cœur, ce qui, dit le proverbe, constitue le plus long des chemins !

Pour y parvenir, j’imagine une situation dans laquelle je serais susceptible de me sentir jaloux. Par exemple, si je suis un homme, je me représente un très beau 4X4, rutilant, vrombissant, le modèle que je rêverais de posséder… Mais peut être qu’un tel exemple vous parle peu et vous laisse froid. Choisissez-en donc un meilleur, un qui vous touche véritablement, personnellement !…Laissez cela venir à vous…. Et si vous êtes une femme, imaginez peut être que vous croisez une très belle demoiselle, éclatante de jeunesse et parée d’un merveilleux collier de diamants, valant plusieurs millions d’euros, un collier tel que vous ne pourrez jamais vous en offrir un... Là encore, si vous n’êtes pas sensible à cet exemple, trouvez-en un meilleur qui vous touche secrètement…Il importe que cette représentation mentale ait le maximum de réalisme, de couleur afin de la percevoir comme pleinement authentique.

Et si votre imagination est en panne, manque de fertilité, faites resurgir un lointain souvenir des profondeurs de votre mémoire. Il y a bien des années, votre petit frère reçut pour Noel le train électrique que vous convoitiez, …ou votre meilleure amie s’est vue offrir la poupée de vos rêves, celle que vous désiriez, précisément, et qu’on ne vous a jamais donnée….Souvenez-vous, l’émotion est là, toute proche….

On pourrait se dire : « tout cela n’a rien de concret, de matériel : ce n’est que pure imagination et, donc, n’existe pas vraiment ». Cet argument n’a que peu de valeur car c’est toujours notre esprit qui fait l’expérience de tous les phénomènes auxquels nous nous trouvons confrontés.

Donc, félicitez-vous de votre courage, n’ayez pas d’hésitation, allez-y franchement ! Vous êtes engagé dans un travail méditatif, profond, puissant… Et plus l’émotion surgira forte, vivante, et plus l’expérience sera pour vous instructive et libératrice.

Maintenant que vous avez généré cette émotion, vous lui laissez vraiment de la place, vous la laissez pleinement s’épanouir en vous, afin qu’elle vous remplisse complètement….

Prenez alors quelques secondes pour sentir vraiment ce qui se passe en vous…. Sentir la modification de votre humeur, de votre état mental. …Percevoir comment vous vous sentez intérieurement : êtes-vous heureux, épanoui, détendu, ouvert, joyeux ? Ou, au contraire, vous sentez vous insidieusement mal, appauvri, diminué ? …Et dans votre corps, au niveau du cœur, ressentez-vous un élargissement, une ouverture, ou tout au contraire un repli sur soi, une sensation d’étroitesse, d’oppression, une fermeture…. Est-ce que vos lèvres se pincent, et que l’expression de votre visage change, s’enlaidit ? Prenez le temps de sentir vraiment ce qui se passe en vous…, ce qui se passe pour vous…. Sans doute, faites-vous l’expérience de quelque chose de désagréable tandis que vous êtes sous l’emprise de la jalousie. Il ne peut pas en être autrement : ce malaise est immédiat, instantané car il est inhérent à la nature même de cette émotion.

Si on prend le temps de ressentir précisément, on perçoit qu’on se sent mal non seulement parce que l’on a soif de s’approprier ce que l’autre personne possède (une voiture, un bijou, la jeunesse, la beauté …), mais on est enclin à nuire à cette personne : on pourrait facilement lui dérober son bijou, souhaiter qu’elle ne puisse pas profiter de son éclatante beauté, telle la méchante Reine dans Blanche Neige, ou médire du possesseur de ce 4x4 que l’on convoite. Voilà pourquoi la jalousie constitue un poison aussi redoutable que la morsure d’un serpent venimeux : elle combine possessivité et malveillance. Et si nous cédons à cette tentation délétère, à cette envie de nuire, nous allons commettre des actes négatifs causes de grandes souffrances pour autrui et pour nous même. Car il n’y a pas de jaloux heureux, chacun de nous, au fond, le sait bien !

Quand on a pleinement perçu le malaise qui s’élève en nous dès que nous générons la jalousie, on ne peut que ressentir une sensation de profond dégout à l’égard de cette émotion. On se dit alors : « il n‘est pas possible que je laisse cette émotion prospérer en mon esprit, que j’y cède un seul instant. Ce n’est pas digne. » Cette révolte intérieure nous donne alors la force de nous abstenir de cette émotion noire et de mettre en œuvre l’antidote qui va nous permettre d’être heureux.

4.       Générer l’émotion positive, le remède souverain

Pour chaque émotion négative, pour chaque poison de l’esprit, existe un remède. Et il est nécessaire de le connaitre, tout aussi surement qu’un médecin doit pouvoir prescrire le traitement adapté à la pathologie qu’il diagnostique. Ainsi, face à la haine, va-t-on générer l’amour et l’altruisme. Face à l’orgueil, on va cultiver l’humilité. Face à l’avarice, on engendrera la générosité. Face à la colère, on fera croitre la patience. Face à l’ignorance, on cultivera la sagesse, la connaissance des phénomènes. Face à la jalousie, on développera la réjouissance.

Ces qualités n’apparaissent pas spontanément en nous, elles ne sont pas engendrées ex nihilo. Elles découlent inévitablement de causes et de conditions préexistantes. Je peux donc en favoriser l’émergence et le développement grâce à l’entrainement de mon esprit.

Quand nous regardons les émotions négatives qui prospèrent en nous et y poussent comme du chiendent, nous pouvons être tentés par l’abattement. Mais il convient de ne pas y céder une seule seconde car ce serait une preuve supplémentaire d’ignorance. Armés de la connaissance, nous allons avec application et détermination, désherber, faire place nette, extirper toutes les mauvaises racines, pour planter des graines saines qui donneront de belles plantations. Cela est inévitable, cela ne peut pas être autrement car cela correspond simplement la nature des choses qu’exprime la loi du karma. Aussi, ne tardons plus et passons dès maintenant à l’action, confiants dans la réussite de notre entreprise : en avançant, nous recueillerons des signes qui nous ferons savoir que nous avançons dans la bonne direction.

Reprenons exactement la situation que nous avions visualisée tout à l’heure. Et décidons de générer du contentement, en lieu et place de la jalousie que nous avions fait naitre…Ainsi, je prends le temps de me réjouir pour cette homme qui possède une si belle voiture, ce 4X4 dont je rêve : j’en contemple les jantes, les chromes, j’apprécie la délicatesse des accessoires intérieurs, je savoure l’odeur des sièges en cuir, je me laisse griser par le vrombissement du moteur surpuissant… Tout cela me comble d’aise…. Et si je suis une femme, je me réjouis de contempler le beau visage aux traits si délicats, si harmonieux, de cette jeune fille que j’ai croisée… Je me réjouis qu’une personne ayant un aussi beau visage puisse exister, c’est un enchantement, une source de plénitude… Et je me réjouis de pouvoir le contempler et que d’autres êtres puissent en faire autant… Je ressens une sensation d’expansion, de plénitude, je me sens transporté à la vue d’ autant de beauté, je me sens apaisé… Et je souhaite que cette jeune fille puisse profiter longtemps du collier de diamants qu’elle porte si bien, avec élégance et naturel…

En souhaitant tout cela, je perçois que je ne manque de rien : je me sens intérieurement rempli, ouvert, spacieux, gratifié… En souhaitant le bonheur à autrui, je découvre que je l’ai instantanément fait naitre en moi. En me réjouissant pour autrui, c’est à moi que j’accorde la joie, la concorde, la paix intérieure, l’harmonie.

Cette expérience, pour notre esprit ordinaire, est proprement inouïe, inimaginable ; et en même temps elle est fondatrice car susceptible de transformer radicalement ma vie, pour le meilleur. Alors que je ne possède rien matériellement, je me sens riche, je me sens heureux ! Ce dont je souhaitais précisément faire l’expérience, voilà que cela m’est accordé. Par quelle alchimie ? J’ai simplement modifié ma façon de percevoir les choses.

Grâce à cette pratique méditative je fais l’expérience de ma grande liberté, de l’immense pouvoir créateur de mon esprit. Je peux ainsi, à loisir, générer dans mon esprit des causes de bonheur, de réjouissance, pour moi-même et pour autrui.

5.       Le bon moment pour pratiquer

Pour opérer cette transformation dans mon esprit, transmuter le plomb en or, l’idéal serait d’intervenir en temps réel : quand je sens poindre le nez d’une émotion négative, je génère aussitôt l’émotion positive qui en constitue le remède.

Mais, si pour les circonstances ou mes capacités ne me permettent pas pour le moment d’agir ainsi, je vais pouvoir différer ma pratique de quelques heures. En fin de journée, assis sur le rebord de mon lit, le dos bien droit, je repasse la scène dans mon esprit. En lieu et place de l’émotion négative, je suscite l’émotion positive, je la sens vivre en moi. Je procède ainsi quelques instants, jusqu’à me sentir pleinement rassasié. Cela ne me prend pas de temps car mon esprit acquiert rapidement beaucoup de souplesse et cela me soulage instantanément.

Grâce à cette pratique, je vais déjà mieux dormir car j’ai orienté mes pensées dans une direction favorable. Et puis, je vais purifier mon esprit, je vais diminuer d’un cran la puissance de l’émotion négative. Certes, celle-ci pourra surgir de nouveau le lendemain matin : elle a acquis tellement de puissance au fil des années où j’ai laissé mon esprit en jachère. Mais, même en n’ayant pratiqué qu’une seule fois, cette émotion a déjà perdu un peu de sa force : elle sera dorénavant moins prompte à s’élever, à se déployer, et je parviendrais mieux à l’enrayer et à générer l’émotion positive.

Et progressivement, au fil des jours, et des mois, sans que cela pèse sur mon esprit, je parviendrais à reprogrammer complètement mon comportement, mon mode de pensée, ma personnalité.

A un moment donné, j’aurai éradiqué toutes les émotions négatives et elles ne s’élèveront plus dans mon esprit. Je ferai alors l’expérience d’un bonheur profond, authentique, constamment renouvelé, un bonheur tel que je n’en ai encore jamais connu. Car les moments de bonheur que j’ai vécus jusqu’à aujourd’hui sont corrompus par les émotions négatives qui demeurent encore si puissantes dans mon esprit. Et ces instants ne sont qu’un pâle reflet de la félicité à laquelle je pourrai accéder et du bien que je pourrai accomplir autour de moi. Voilà le but profond de la pratique du Yoga. Il ne nous parle pas d’autre chose : de nous, d’autrui et de notre capacité à aller vers le meilleur. « Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière » disait déjà Victor Hugo dans Les Contemplations.



[1], « Les âmes individuelles sont prisonnières des heurs et malheurs qui les affectent en ce monde ; pour les délivrer du pouvoir de l’Illusion il faut leur donner la connaissance du brahman, grâce à quoi l’individu n’est plus affecté par la maladie, ni par la vieillesse, ni par la mort et ne risque plus de renaitre. Cette connaissance est difficile à acquérir mais est le bateau qui permet de franchir le fleuve des renaissances ; on peut l’atteindre par mille chemins divers, mais elle est Une en vérité, refuge suprême au-delà de quoi il n’y a rien ! » (Cf. Yogatattva Upanishad, 5-6, in Upanishads du Yoga, traduites par Jean Varenne, collection Connaissance de l’Orient, Gallimard,1971)
[2] La preuve en est que nous pouvons adopter, face à une situation donnée, des réactions très variées. Si une personne crache dans notre direction nous pouvons ressentir de la colère et chercher à lui nuire ; nous pouvons avoir peur et nous enfuir ; nous pouvons passer notre chemin, considérant que cette personne est mentalement perturbée ; nous pouvons générer des pensées altruistes en souhaitant qu’elle soit délivrée de ses émotions perturbatrices.
[3] voir notre article sur la méditation du calme mental