Deux ouvrages fondamentaux ont
été écrits à propos du Yoga : les Yoga sutras et le Hatha
Yoga Pradipika.
Connaitre
au moins l’existence de ces deux livres est important pour qui s’intéresse au
Yoga car ces ouvrages sont souvent cités et constituent des sources
authentiques de savoir. Si le Yoga est incontestablement une pratique, c’est
aussi une théorie qui prétend exposer la nature véritable des phénomènes dont
la connaissance seule peut nous libérer.
On peut
considérer les Yogas sutras de Patanjali comme l’exposé le
plus harmonieux du Yoga classique. Ce recueil de 195 aphorismes fut
composé entre - 300 ans av JC et + 500 ap JC - non pas parce que
l’auteur aurait mis beaucoup de temps pour l’écrire ! Mais parce qu’on ne
dispose d’aucune information précise sur sa date d’élaboration, pas plus
d’ailleurs que sur l’identité de son auteur.
Au fil du
temps, l’habitude a été prise de nommer le Yoga exposé par Patanjali Raja
Yoga (Yoga royal), ou encore Ahstanga Yoga (Yoga en
huit étapes) afin de le différencier du Hatha Yoga.
La
distinction entre ces deux notions est nette, tant au regard de leur contenu,
que de leur origine et des méthodes qu’elles proposent.
Le Yoga
classique de Patanjali se fonde sur la philosophie Samkhya dont
il est, en quelque sorte, la mise en œuvre pratique. A ce titre, le Yoga
classique fait partie intégrante de l’hindouisme et constitue
l’un des Six Systèmes (sat darshana) traditionnellement enseignés à tout
membre de la caste religieuse indienne, les brahmanes. Ces six points de vue
sur l’univers traitent de sujets extrêmement différents et sont habituellement
associés par paires: Nyāya et Vaiśeṣika, Sāṃkhya et Yoga, Mīmāṃsā et Vedānta. Tous
ces systèmes ont en commun de poursuivre le même objectif ultime, le seul qui
ait vraiment de l’importance aux yeux de l’Inde : parvenir à la libération
complète de la souffrance inhérente à la condition humaine.
L’ouvrage
de référence le plus populaire consacré au Hatha Yoga est
le Hatha Yoga Pradipika (Petite lampe du Hatha Yoga) attribué
à Svatmarama et composé relativement récemment (XVIe siècle ap JC).
A la
différence du Raja Yoga, le Hatha Yoga ne fait pas
partie de l’hindouisme car il intègre des éléments d’inspiration tantrique.
Ainsi, comme son nom l’indique, cette discipline se propose de réaliser l’union
(Yoga) du soleil (ha) et de la lune (tha). Le soleil et la
lune symbolisent ici les deux aspects en apparence opposés de tout phénomène.
De la même façon, l’adepte du Hatha Yoga cherche à unir en lui
les pôles masculin et féminin, ainsi que les deux principaux souffles
énergétiques qui circulent dans le corps subtil : Prana vayu
et Apana vayu; il cherchera encore à unir Ida et Pingala,
les deux canaux qui longent le canal central. Ainsi, dans les niveaux avancés
de pratique, l’adepte du Hatha Yoga active
l’énergie ensommeillée (kundalini), lovée au bas de la colonne
vertébrale, pour la faire s’élever, tel un cobra qui se redresse en sifflant.
La Kundalini progresse alors à l’intérieur du canal central (Sushumna)
pour y atteindre successivement les différents centres (chakras) et y
défaire les nœuds (Granthis) qui entravent sa circulation. Bien sûr,
avant d’aborder ces pratiques élevées, de nombreuses techniques beaucoup plus
accessibles sont abordées pour permettre à l’adepte d’obtenir un excellent
état de santé, physique et mental, ce qui constitue un des
objectifs premiers de la discipline.
S’il
existe bien une distinction claire entre Raja Yoga et Hatha Yoga,
on ne saurait toutefois parler d’opposition entre ces deux disciplines.
Prévenant d’emblée ce risque, le Hatha-Yoga-Pradipika , expose
dès sa première phrase : « Je me prosterne devant le Maître Originel, Sri
Adinatha, par qui fut enseignée la science du Hatha Yoga. Cette
science glorieuse resplendit comme une échelle pour qui désire atteindre les
cimes du Raja-yoga » (HYP I, 1) Ainsi, le Yoga classique de
Patanjali doit être pris pour l’achèvement, l’aboutissement des pratiques
décrites dans le Hatha-Yoga-Pradipika.
Ainsi, la
distinction entre Raja Yoga et Hatha Yoga est-elle
aussi hiérarchique. Et ceci se traduit par une différenciation des méthodes.
Les séances de Hatha Yoga mettent ainsi plus l’accent sur les
5 premières étapes de l’Ashtanga Yoga, notamment la
mise en œuvre des postures et la maîtrise des souffles subtils,
tandis que les enseignements de Raja Yoga insistent plus
sur les pratiques méditatives et l’obtention du résultat suprême, le samadhi ,
caractérisé par l’union de l’âme individuelle (atman) avec le principe
absolu (Brahman), en essence de nature identique.
En
conclusion, on peut dire que les notions de Raja Yoga et
de Hatha Yoga possèdent des origines et des
contenus différents. Et cette distinction est indispensable pour avoir une
compréhension claire de la nature du Yoga.
Maintenant,
force est de reconnaître que cette distinction n’est pas très
opératoire pour qui recherche, en France, un cours de Yoga et tâche de
s’orienter dans la jungle des appellations très diversifiées qui servent à
désigner les écoles.
La grande
majorité des cours de Yoga dispensés en Occident sont, en fait, des cours
de Hatha Yoga. Il en existe de différents niveaux, ce qui, par
principe, est très bien. Malheureusement, trop souvent cette hiérarchisation
est établie sur un critère formel (à savoir la difficulté technique des
postures), et non sur le niveau de réalisation des participants.
Pour
qu’une pratique soit réellement authentique, il est indispensable que les
règles éthiques correspondant aux deux premiers stades de l’Ashtanga
Yoga soit pleinement intégrées, en particulier la non-violence. Il est
par ailleurs essentiel que la mise en œuvre des postures et des exercices de
maitrise des souffles s’accompagne du développement de la concentration et de
la stabilisation de l’esprit. En effet, « l’objectif du Yoga est de
mettre fin aux tourbillons de la pensée », comme nous le précise
très clairement Patanjali (Yoga Sutra, 2eme aphorisme*).
Ainsi,
percevoir à la fin d’un cours de Yoga que notre esprit est plus paisible et
stable constituera indiscutablement un critère précieux d’authenticité de
l’enseignement.
· *Une
autre traduction possible de ce célèbre aphorisme « Yoga citta vritti
nirodha » est donnée par Phan-Chon-Tôn: « Le yoga consiste à empêcher
la formation des phénomènes mentaux »
. Christian
Ledain
Bibliographie :
« Le Yoga de
Patanjali » par Phan-Chon-Tôn, ed Adyar, 2000
« Hatha-Yoga-Pradipika »,
introduction, traduction et commentaire par Tara Michael, ed Fayard,1974