Quand on veut s’engager dans une séance de Yoga il est indispensable d’effectuer certaines pratiques préparatoires afin que la séance soit pleinement profitable. Car les techniques du Yoga sont tellement puissantes que, sans précaution préalable, on ne ferait que cultiver les problèmes dont on espère s’alléger, un peu comme un jardinier maladroit qui cultiverait beaucoup de chiendent parce qu’il n’a pas pris soin d’ôter les mauvaises herbes qui encombrent son jardin et d’en planter de bonnes !
Avant de couper cours au fonctionnement ordinaire de l’esprit, il est
nécessaire d’adopter une certaine attitude corporelle.
1. Placer
le corps
Pour pouvoir réguler l’activité
de l’esprit, il est nécessaire que le corps adopte une certaine position. Tout
le monde en réalise aisément l’expérience : il est très difficile de
réguler l’activité mentale quand on est allongé dans son lit, ou bien affalé
sur un divan. Malgré notre volonté d’orienter l’esprit de façon constructive on
finit vite par ressasser les mêmes antiennes.
Il est donc indispensable
d’adopter une attitude propice à la concentration. Il en existe plusieurs dont
la plus accessible est sukkasana (la
posture confortable, en tailleur). Bien sûr, les personnes qui s’y sentent à
l’aise pourront adopter padmasana (le
lotus), siddhasana (posture parfaite),
ou encore vajrasana (posture de la
foudre, assis sur les talons). Enfin, si vos articulations regimbent, vous
pourrez tout simplement vous s’asseoir sur un siège, le dos bien droit.
Il est maintenant possible de
réguler l’activité de l’esprit.
2. Réguler
l’esprit
Il est indispensable, pour être
heureux, d’apprendre à maitriser l’esprit car si on fait dépendre notre bonheur
de circonstances extérieures, telles que la météo, le sourire de la voisine ou
encore la baisse de la pression fiscale, on risque d’avoir souvent l’humeur
chagrine ! Il faut donc apprendre à maitriser l’esprit, ce qui implique de
savoir non seulement mettre à distance
les émotions négatives, mais encore de développer
le calme intérieur.
21. Générer les émotions
bénéfiques
Nous arrivons au cours de Yoga accompagné
du tumulte de toute notre journée. Dans les heures qui ont précédé, nous avons
sans doute été énervés par ceci, contrariés par cela, stressés par autre chose
encore…. Et notre esprit qui a trempé dans ce bain d’émotions négatives en est
tout imprégné, tout comme le foulard blanc qui a longtemps baigné dans une teinture
écarlate en ressort rougi.
Nous n’avons pas toujours conscience
de la prégnance de ces émotions négatives qui constituent le bruit de fond de
notre société. Il est donc nécessaire de purifier notre esprit de ces poisons.
Et ceci n’est pas très difficile : nous allons simplement lui donner une orientation nouvelle,
tout comme l’ingénieur détourne un fleuve de son cours naturel afin d’aller irriguer
une pleine fertile.
Je vais ainsi raviver dans mon esprit la motivation excellente qui me pousse
vers la pratique du Yoga. Même s’il s’agit de mon premier cours, je suis animé
d’une espérance : dépasser certaines difficultés et me sentir mieux avec
moi-même. Et si j’ai déjà participé à un cours, j’en ai ressenti quelques bienfaits
sur lesquels je peux maintenant prendre appui et souhaiter qu’ils s’accroissent
et s’approfondissent.
Je me remémore ensuite que le
Yoga n’agit pas que sur moi. Ainsi, après une séance, je constate que je suis un
peu plus ouvert, bienveillant et patient à l’égard des personnes que je
rencontre. Je pratique ainsi non seulement pour moi, mais aussi pour tous les
autres êtres. Je peux alors souhaiter que moi-même et tous les êtres vivants
soyons délivrés de toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Et
cette aspiration large décuple la force de ma motivation.
Quelque chose opère alors
mystérieusement en moi : ce qui n’était au départ qu’une idée descend de mon esprit vers mon
cœur pour y devenir une émotion. Et,
de même que le goût d’une madeleine trempée dans du thé avait fait ressurgir
dans l’esprit de Marcel Proust le monde disparu de Combray, la seule évocation des états que je
souhaite expérimenter me met aussitôt en contact avec eux et me permet de me sentir instantanément mieux.
Je donne alors pleinement sa
place à cette émotion. Je la laisse m’envahir, je l’attise tout comme on souffle sur une braise pour que s’embrase un
grand feu.
Maintenant que la joie, la
détente et le bonheur m’animent et rayonnent en moi et autour de moi, je peux alors
stabiliser mon esprit.
22. Développer le calme intérieur
Apprendre à stabiliser l’esprit est une nécessité car, sans
discipline, notre courant de pensées est semblable à la flamme d’une bougie qui
vacille au moindre courant d’air. Et on ne s’en rend même pas compte ! Tant
qu’on n’a pas tenté une fois de poser notre esprit, on ne perçoit même pas à
quel point celui-ci tremble. Et il faut alors beaucoup de courage et
d’honnêteté pour reconnaitre qu’on n’est pas même libre chez soi, dans sa
propre tête ! Une fois cette prise de conscience brutale effectuée il faut
ne pas se laisser décourager et mettre en œuvre patiemment une pratique qui a
fait constamment ses preuves depuis quelques millénaires.
Pour apaiser notre esprit, nous
effectuons une courte méditation dite du calme mental, Shamata en sanskrit. De façon très simple, nous plaçons notre esprit
sur un support et nous le laissons y reposer, tout comme un oiseau se pose sur
une branche et y demeure paisiblement. Nous pourrions adopter comme support de
concentration la flamme d’une bougie, mais il nous faudrait disposer non
seulement d’une bougie, mais encore d’allumettes, ainsi que d’un lieu dépourvu
du moindre courant d’air….Nous choisirons donc, par simplicité, un support universellement
partagé et constamment disponible : notre souffle.
Il s’agit de prendre pleinement conscience
du passage de l’air : quand l’inspiration se déclenche, je perçois son
apparition, puis de son déploiement et, enfin, son extinction. Puis l’expiration
se présente, s’élargit, puis disparait à son tour, et ainsi de suite.
C’est donc étonnamment facile à
comprendre, même si c’est plus difficile à réaliser car il nous faut nous abstenir de bondir sur toute pensée
qui se fraye un chemin dans notre esprit. Or, nous sommes tellement habitués à nous
ruer sur ces pensées qu’il va nous falloir beaucoup de détermination et de vigilance
pour accepter une telle frustration.
Ce qui peut nous aider, c’est de nous identifier à ce petit poisson intelligent
qui parvient à distinguer l’hameçon accroché à l’appât et qui s’abstient de se
jeter sur lui !
Incessamment, nous laissons les
pensées se dissoudre. Quand l’une d’elles apparait, nous l’identifions et nous la
laissons passer. Là encore cette attitude intérieure n’est pas totalement
nouvelle pour nous. Nous procédons déjà ainsi avec les nuages. C’est bien rare,
en effet, qu’on cherche à les retenir, ou qu’on maugrée après le ciel pour les
chasser ! Faisons donc de même avec nos pensées. Et, dès lors, elles se tarissent.
Selon nos capacités on effectuera
cette pratique durant deux ou trois minutes. Et puis, quand on y prendra goût,
on pourra allonger éventuellement la durée de cet exercice.
Grâce à cette pratique non
seulement l’esprit devient plus calme, plus posé, mais aussi l’énergie dont nous
disposons pour nos activités quotidiennes se développe de façon considérable.
Nulle magie à cela : en permettant à notre esprit d’être au repos, nous
cessons de gaspiller les ressources que nous dilapidions par une vaine
agitation mentale. Nous effectuons ainsi de considérables économies d’énergie
intérieure, ce qui nous permet de réaliser des projets de vie qui n’étaient autrefois
pas même envisageables.
Nous avons donc laissé notre
esprit se décanter, ce qui est excellent. Pour entrer plus profondément dans la
pratique, il convient maintenant d’agir sur la respiration.
3.
Réguler le souffle
Quand je n’y prête pas attention
je ventile peu mes poumons ; du coup, je vivote. Il est donc nécessaire que j’installe la respiration
correcte, en trois parties, que nous enseignent les Yogis. Elle s’enchaine
aisément : à l’inspiration mon abdomen se gonfle comme une chambre à air,
puis mes cotes s’écartent, et enfin mes épaules se soulèvent. Je laisse ainsi mes
alvéoles pulmonaires se déployer complètement. Une fois cette respiration
installée, je la stabilise afin qu’elle demeure et m’accompagne instant après
instant. Progressivement, je me sens mieux. Et je peux, pour soutenir mon
attention, me remémorer qu’à chaque inspiration mon organisme absorbe non
seulement l’oxygène, mais aussi l’énergie présente dans l’air que j’inhale.
Quand ce sera possible,
j’installerai le maintien de la sangle abdominale.
Comme rien ne justifie que je ne respire
correctement qu’à l’occasion de mon cours hebdomadaire de Yoga, soit 1/168° de
mon temps, je n’hésite pas à m’entrainer un peu, chaque jour, afin
d’approfondir les bienfaits qui découlent de cette respiration juste.
4.
Purifier les canaux
Grâce à la pratique du Yoga je
développe mon énergie. Toutefois si les canaux par lesquels circule cette
énergie n’étaient pas purifiés, cela serait de peu d’utilité. C’est comme si
j’achetais une chaudière très performante. Si les tuyaux qui conduisent la chaleur
dans les pièces sont encrassés, la maison demeurera froide. Par contre, si je
procède régulièrement au nettoyage de ces conduits, même avec une modeste chaudière,
toutes les chambres de la maison recevront une douce chaleur.
En purifiant ces canaux
énergétiques, appelés nadis en
sanskrit, je crée les conditions favorables pour stabiliser mon esprit, mettre
à distance les émotions qui empoisonnent ma vie et faire plus facilement
l’expérience des émotions bénéfiques.
Il me faut donc très
régulièrement nettoyer ces conduits, si possible quotidiennement, pour être en
excellente santé.
Le nettoyage s’effectue très
facilement grâce à Nadi Shodana, la
purification des canaux subtils.
Je pose l’index et le majeur de
la main droite au milieu de mon front, et j’obture la narine droite avec le
pouce pour inspirer à gauche. Quand mes poumons sont pleins, je ferme à gauche avec
l’annulaire et j’expire à droite. Quand mes poumons sont complètement vidés, j’inspire
à droite. Enfin, je ferme à droite avec le pouce et j’expire à gauche. Puis, on
passe au deuxième cycle qui se déroule de la même façon. Trois, cinq ou 7
cycles seront excellents.
Il est très important d’être
extrêmement concentré durant la pratique.
Il m’est possible d’enrichir
cette pratique pour la rendre plus puissante. Je vais ainsi imaginer que mes
canaux sont parfaitement purs. Je
peux ainsi visualiser le canal de gauche, qui relie la pointe du coccyx à la
narine gauche, et le canal de droite, qui relie la pointe du coccyx à la narine
droite, clairs comme du cristal, translucides.
Quand j’inspire à gauche, je peux visualiser le souffle qui descend par le
canal de gauche jusqu’à la pointe du coccyx. Quand je ferme à gauche et que
j’expire à droite, je peux visualiser le souffle subtil qui remonte par le
canal de droite. Puis j’inspire à droite et je vois l’énergie descendre par le
canal de droite. Alors j’expire à gauche et je vois l’énergie monter par le
canal de gauche. Et ainsi de suite.
Mon esprit logique peut être
heurté par une apparente contradiction : j’imagine que mes canaux sont
purifiés au moment même où j’effectue cette pratique, alors que c’est
précisément le résultat que j’espère atteindre par la mise en œuvre de cette
technique !
En réalité, c’est le propre des
disciplines tantriques, dont le Hatha
Yoga fait partie, d’imaginer que le
résultat poursuivi se trouve déjà atteint : je suis déjà parvenu au terme
de mon voyage alors même que je m’engage à peine sur le chemin. Selon le
tantrisme il n’y a en fait rien à conquérir à l’extérieur, rien à aller
chercher d’autre qui ne se trouve déjà là. Et l’essence de la pratique consiste
précisément à reconnaitre ce qui se trouve ici, de tout temps : réaliser la
nature véritable des phénomènes que mon esprit obscurci ne parvient pas à percevoir.
Par nature, les canaux énergétiques sont donc parfaitement purs et, grâce au Yoga,
je me contente seulement d’ôter les voiles qui m’empêchaient de le réaliser
pleinement.
5. L’essence
de la pratique
Dès lors, le déroulement de ma séance
de Yoga ne sera que le prolongement et
l’approfondissement des pratiques que
je viens de mettre en œuvre. A chaque instant, je veillerai à ce que mon corps
soit placé de façon juste. J’insiste bien : à chaque instant, et pas seulement
lorsque je serai dans la phase statique de chaque posture. A chaque instant, ma
respiration sera régulée, ample, correcte. A chaque instant, je stabiliserai
mon esprit car le calme mental n’est pas une prime que nous octroierait, de
surcroit, la pratique : le calme intérieur découle logiquement de différentes
causes et conditions, parmi lesquelles figurent l’écoute constante de soi et la
dissolution des pensées.
Ainsi ces pratiques préparatoires
constituent bien l’essence même du Hatha Yoga.
Je pourrai donc avec grand profit
conduire ces exercices chaque jour et passer ensuite à mes activités
quotidiennes qui s’en trouveront grandement favorisées, fertilisées. Et si mes
capacités et mon emploi du temps me le permettent, je pourrai même les mettre
en œuvre le matin, ainsi que le soir, juste avant de me coucher : ceci
rendra mon sommeil non seulement plus paisible, mais encore cela transformera ce
moment de repos en temps d’approfondissement
de la pratique.
Avec un peu d’entrainement, 5 à 6
minutes seront nécessaires pour conduire cette pratique dans son intégralité.
Bien sûr, rien ne s’opposera à ce que je pratique plus longtemps.
Christian Ledain