La posture sur la tête (Kapalasana, en sanskrit)
nous fait parfois rêver en raison de son coté un peu acrobatique. Il est vrai :
la tête en bas, les pieds en l’air, voilà qui n’est pas commun !

Quand j’ai découvert le Yoga, alors que j’étais
étudiant, cette posture me fascinait presque. Je savais instinctivement que
cette posture ouvrait la porte à tout un monde de possibles. Cependant, malgré
mes efforts répétés lors des cours en salle, il m’était impossible de réaliser
cette posture. Il me fallait donc trouver une méthode, quelque chose de fiable
et d'assuré qui me permette de progresser à mon rythme.
Cette méthode,
la voici; je voudrais la partager avec vous.
1 Lever les obstacles mentaux
De façon générale, Kapalasana est très
largement accessible aux personnes qui suivent régulièrement notre cours de
Yoga. Le poids, quelques kilos de trop, ne constituent pas, en réalité, un
obstacle insurmontable. Pas plus d’ailleurs qu’une musculature un peu lâche.
Mais très souvent, je vois des personnes caler devant l’obstacle en raison d’un
blocage mental, alors qu'elles disposent des capacités physiques requises.
Notre esprit, très puissant, parvient à dresser des barrières insurmontables
fondées sur la peur.
Cette peur, il nous faut la reconnaitre pour pouvoir
la dépasser. Il y a tout d'abord la peur du danger : « Ma tête ne
va-t-elle pas exploser si elle reste en bas ? Et si je perds l’équilibre,
ne vais-je pas me rompre le cou en chutant ? » Peur du ridicule
ensuite : « Pour qui vais-je passer si je n’arrive pas à soulever mon
bassin? Ne vais-je pas me donner en spectacle si je perds l'équilibre ? »
Quand de tels doutes se frayent un chemin dans notre esprit, on se donne alors
une fausse bonne raison pour ne pas se lancer vraiment : « Ces acrobaties, ce
n'est plus de mon age. C’est juste bon pour les enfants ! »
Comment lever ces obstacles, ces Himmalayas que l'on
se construit intérieurement ? Tout d'abord, il faut se faire confiance : tout
s'apprend et l'on n'est pas plus maladroit qu'un autre. Faire confiance aussi
aux autres personnes qui nous entourent : elles sont là pour prendre soin
d'elles-mêmes tout comme nous, avec un esprit ouvert et bienveillant. Avoir
confiance dans le professeur qui aidera, encouragera, soutiendra vos efforts
parce qu'il a lui-même été confronté aux mêmes difficultés et les a dépassées.
Et puis, faire confiance à la méthode qui a permis à des milliers d'apprentis
Yogis, bien avant vous, de prendre plaisir à mettre en oeuvre cette posture.
Voici donc
quelques recommandations qui pourront vous être utiles. Si vous craignez un peu
le ridicule, isolez-vous et
entrainez-vous un peu à l'abri des regards. La plupart du temps , une ou deux tentatives
suffiront pour lever les obstacles et obtenir un succès certain. C'est ce que
j'ai fait moi-même : ayant appris en cours la méthode que je vais vous
expliquer, je me suis installé dans ma chambre, un soir, et tout s'est alors très
bien passé.
Il peut être utile de configurer un peu le lieu de
pratique :
déposer des coussins au sol, au cas ou l'on perdrait un peu l'équilibre;
dégager un peu le périmètre autour de soi, afin de ne pas emporter le
lampadaire par inadvertance; ou encore se placer devant un mur pour être sûr
que le dos reste bien droit et que l'on garde l'équilibre.... Aménagez l'espace
pour vous sentir vraiment bien et générer les conditions de la confiance.
Peut-être aussi préparez un peu votre corps physique en
accomplissant quelques salutations au soleil, afin de ne pas vous sentir
rouillé. Et si vous sentez que faire des prosternations devant la photo de
votre grand-mère est de nature à vous aider, ne vous en privez pas ! Accordez
vous tout ce dont vous sentez avoir besoin.
Enfin,
dernier conseil, ne soyez pas trop dur avec vous : vous allez progresser, c'est
certain, mais cela se fera à votre rythme, à une vitesse que vous ne connaissez
pas et que vous ne pouvez qu'accepter. Donc, ne vous rouspétez pas de ne pas
avancer suffisamment rapidement : Rome ne s'est pas faite en un jour !
Ces
principes fermement posés, procédez maintenant comme il suit.
2 Une
méthode sécurisée
Il existe une procédure parfaitement fiable et
sécurisée qui va vous permettre d' adopter Kapalasana. Si
l'innovation est dans certains domaines recommandée, je vous conseille ici de
renoncer à toute forme d'improvisation pour suivre la voie classique du succès.
Pour paraphraser Platon, il faudrait que chaque
apprenti Yogi se convainque : "Que nul n'entreprenne Kapalasana s'il
n'est géomètre !" En effet, le souci de l'exactitude dans le
positionnement des mains et de la tête constitue la clef de Kapalasana.
Elle ne souffre aucune approximation, sinon c'est la chute !
. La
constitution du triangle d’appui
Tout d'abord, il faut s’asseoir sur les talons et
poser les avant-bras au sol, une dizaine de centimètres devant soi en insérant
les mains dans le pli des coudes. Puis, il faut déplier les avant-bras de
façon que les extrémités des doigts des deux mains se touchent. On constate alors
de visu que nos avant-bras et nos mains forment les deux cotés d’un
triangle équilatéral (ABC).

Ensuite, on place la tête au sommet de ce triangle
(point A). Plus précisément, on veille à ce que la région posée au sol soit le haut du front (à la naissance des cheveux). A la
base du triangle (points B et C), on dispose le centre des paumes.
Si les coudes partent vers l’extérieur, on les
ramènera vers soi, en faisant un peu pivoter les poignets.
Vous disposez alors d’un solide trépied qui va
vous permettre de prendre un appui ferme et de poursuivre la posture sans
difficulté.
L’expérience révèle que, dans la moitié des cas, les
personnes qui ne parviennent pas à prendre Kapalasana ne placent pas leurs
mains et leur tête aux bons endroits. Cinq centimètres de trop à droite, autant
à gauche, et les proportions justes ne sont plus respectées ! Il vous arrive
alors ce qui survient à toute construction bancale : sans fondations fermes, les murs
et le toit s'effondrent immanquablement!
Si votre première tentative n'a pas été couronnée de
succès, ne perdez pas courage, apprenez de vous-même, recommencez, en vérifiant bien vos placements
initiaux.
.
Placer le bassin au-dessus de la tête
Toujours en étant assis sur vos talons, vos orteils
accrochent le sol et vous soulevez le bassin. Ceci vous amène mécaniquement à
tendre les jambes. Vous avancez alors le pied droit de 10 cm, puis le pied
gauche, et recommencez ainsi de suite.... Vous constatez alors que votre dos se
redresse lentement et que vos genoux se rapprochent de vos coudes.

Si vous redoutez une chute, vous pouvez vous placer
dix centimètres devant un mur.

Vous pouvez alors poser tranquillement un genou sur un
coude, puis l’autre genou sur l’autre coude.
"Plus facile à dire qu'à faire" me
direz-vous. Il vous faudra parfois un peu de patience et de persévérance à ce
stade.
Vous êtes alors en équilibre et vous disposez d'un
appui ferme sur les mains et sur la tête (votre trépied). Ce stade doit être
consolidé et il ne faut surtout pas chercher à déplier précipitamment
les jambes. De nombreux bienfaits de la posture inversés sont déjà obtenus
à ce stade élémentaire, bienfaits qui seront amplement détaillés dans un autre
article. Il est donc nécessaire d'apprivoiser cette phase, de s'y
sentir bien. Ce n'est que lorsque l'on aura une conscience bien claire, une
expérience véritable des effets positifs de cette phase élémentaire qu'il sera
utile d'aller plus avant et d'aborder la phase finale de la posture.
Beaucoup de débutants sont trop pressés, ne pensent
qu'à agir sans rien sentir, sans rien vivre de profond. Ils ressemblent à ces
alpinistes inconscients qui montent vers des sommets au péril de leur vie,
uniquement par orgueil. Ceux qui prennent Kapalasana à la hussarde,
déplient les jambes, sans réelle stabilité physique et mentale, redescendent
précipitamment, dans un atterrissage qui ressemble plus à un crash, et se
sentent finalement mal, se promettant de ne plus jamais reprendre cette posture
!
. le déploiement des jambes
Lorsque l'on se sent bien physiquement et mentalement,
qu'on apprécie véritablement la phase précédente avec les genoux fléchis, il est tout à
fait possible de déplier les jambes.

Conclusion
Vous disposez maintenant d'une méthode fiable et
validée par une lignée ininterrompue de Yogis qui se sont succédés au fil des
siècles.
Pour nous, Occidentaux, qui menons une vie
mouvementée, garder la posture 1 à 2 minutes constituera une excellente
pratique journalière.
Les bienfaits de Kapalasana sont si nombreux et
puissants, notamment pour lutter contre les méfaits de la sédentarité,
qu'ils nécessitent un article spécial. En parler ici, aurait donné une
tournure indigeste à cet article, et je ne voudrais pas vous détourner de
quelque façon que ce soit des merveilleux bienfaits du Yoga !
Christian LEDAIN
Professeur
de la Fédération Française de Hatha Yoga